D'ici fin septembre, les députés risquent de modifier la loi Biodiversité afin de ré‑autoriser les insecticides "tueurs d'abeilles", et ce sans débats ni études sérieuses sur les impacts.
Présentée comme une autorisation ponctuelle pour la seule filière "betterave" afin de répondre à l'attaque d'un puceron vecteur de la jaunisse et entraînant une baisse des rendements de 8 à 15%, le projet de loi soumis aux députés ouvre la porte au grand retour des néonicotinoïdes toutes filières confondues. Le gouvernement en profite pour supprimer le principe même d'une évaluation environnementale.
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Historique de la situation
Au terme d’un long processus parlementaire, les insecticides « tueurs d’abeilles » ont été interdits en 2016 (article 125 de la Loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages). Les agriculteurs avaient deux ans pour se préparer et deux ans supplémentaires au cas où ils éprouveraient des difficultés à mettre en œuvre une telle interdiction. Soit plus de mille jours pour se conformer à cette interdiction ! Depuis le 1er juillet 2020, aucune dérogation à cette interdiction ne peut désormais être accordée.
C’était sans compter sur la pression de certaines filières agricoles qui n’envisagent plus pouvoir se passer de cette béquille chimique. La Confédération Générale des Planteurs de Betteraves fait actuellement pression (avec succès !!!) afin d’obtenir un nouveau délais de trois ans au moins pour pouvoir malgré tout utiliser des néonicotinoïdes !
Les enjeux
Dans la guerre contre le vivant que se livrent les agro‑chimistes depuis des décennies, les insecticides néonicotinoïdes sont sans doute les produits les plus toxiques jamais inventés. 5000 à 7000 fois plus toxiques que le DDT (interdit en France il y a près de 40 ans), les insecticides « tueurs d’abeilles » sont les premiers responsables de la destruction des insectes. Apparus au milieu des années 90, ces insecticides systémiques sont majoritairement utilisés sous forme d’enrobage de la semence. Un milliardième de gramme de ce produit neurotoxique suffit à désorienter une abeille. Ces produits vont ainsi se répandre continuellement dans toute la plante traitée, des racines aux tiges, des feuilles au pollen. Selon certaines études, 80 à 98% de l’insecticide se retrouvent dans le sol et vont y rester plusieurs années.
Rien d’étonnant donc de retrouver des traces d’imidachlopride ou de thiaclopride (deux des principaux insecticides néonicotinoïdes utilisés) dans des milliers d’analyses d’eau de surface. Leur persistance dans l’environnement en fait de redoutables serial‑killers ! Papillons, vers de terre, batraciens, oiseaux ou poissons d’eau douce pourraient être directement impactés par ces insecticides systémiques et neurotoxiques !
Sans débat ni évaluations sérieuses, le gouvernement s’apprête ainsi à remettre en cause l’interdiction des insecticides néonicotinoïdes.